lundi 24 janvier 2011

Marie-bonbon. On l’appelle la Marie-bonbon personne ne connait son vrai non, ça n’intéresse personne surtout les petits qui la fréquentent assidument.
Cette grande et lourde femme couronnée de cheveux blancs vit dans une ancienne réserve de voitures à cheval, au rez-de- chaussée d’une bicoque abandonnée aux lézardes brodées de lierre. Le jour vient seulement de la grande porte cochère, ouverte hiver comme été.
-Bonjour Marie-bonbon, vous faites des berlingots aujourd’hui ?
-Entre petit, les bras ronds dénudés jusqu’au coude grands ouverts avec son éternel tablier bleu marine aux plis amidonnés elle est la représentation parfaite d’une maternité accueillante.
-Savez vous, Madame si elle a des enfants ? Je ne crois pas. Elle n’en parle jamais ni de son mari. Pensez donc elle n’en a jamais eu ! D’ou vient-elle ? Pas la moindre idée, même ma mère qui a toujours été sa voisine ne le sait pas .Et si pauvre, oh oui la Pauvre !
Le petit est enveloppé d’une délicieuse odeur de sucre. A part les parfums gourmands il n’y presque rien chez la Marie-bonbon : au mur un clou ou pend le tablier de rechange .Une étagère avec un sac joufflu de sucre en poudre, et les flacons bien rangés par ordre de couleur : le vert net de la menthe, celui plus nuancé de l’anis enfin le jaune franc du citron. La table de bois brut blanchie à l’eau de javel, supporte un réchaud à alcool et une plaque de marbre ; une chaise de paille et c’est tout.
-Marie-bonbon qu’est ce qu’il y a derrière le drap tendu du plafond au sol ?
-Ca petit c’est chez moi, personne n’y entre.
-Vous imaginez, Madame qu’elle vit dans le fond de ce garage aux murs aveugles. Elle doit y avoir installé un lit et un coin pour faire sa toilette. C’est bien vrai ça, comment fait elle pour être toujours aussi propre ? Et ce sol en terre battue si net qu’on y mangerait la soupe !
Le nez du petit est juste à la hauteur de la casserole où bouillonne le sirop.
-Attention ! Au bout de la baguette la goutte de sucre s’arrondit presque solide, regarde bien c’est prêt ! Les bras agiles impriment au ruban brûlant une torsion régulière tandis que s’élève un délicieux parfum d’anis. Translucide, le serpent vrillé repose maintenant sur le marbre huilé.
- Vite petit prends les ciseaux et coupe des morceaux bien égaux. Les lames taillent net dans la masse chaude qui cicatrise aussitôt.
-Tu diras à tes amis que cet après-midi, j’irai vendre sur la place de la mairie. Le petit tout heureux prépare le tiroir à bretelles qui fait un parfait étalage quand Marie-bonbon le promène royalement.
Comment peut-elle vivre, Madame avec le peu que lui rapportent les berlingots ? Elle est très fière quelquefois elle accepte de diner avec nous, si digne, on dirait que c’est elle qui invite.
Le petit est revenu la semaine suivante mais la lourde porte de bois était close.
-Vous savez, Madame, on n’a pas vu la Marie-bonbon depuis plusieurs jours. Elle est peut être repartie dans son pays…
Cette saison l’Adour était en crue.

3 commentaires:

  1. Touchante cette Marie Bonbon, je sens et visualise ce berlingot anisé, en torsade ombilicale...

    RépondreSupprimer
  2. Laure, tous mes petits personnages ont vécu...

    RépondreSupprimer
  3. je m'en doute bien, manouche... c'est aussi ce qui est touchant.
    J'aimerai en lire d'autres de vos petits personnages environnants...

    RépondreSupprimer