mardi 1 février 2011

Le doigt de Dieu.

Victor est un beau poulet comme on dit chez les rugbymen. Grand lourd, trogne fleurie de bon vivant.
Il appartient au mouvement « Pêche Chasse et Nature » . Pêche : c’est pour rire, il y a longtemps que les gardons ont été étouffés par les rejets de pâte à papier, Chasse : si ça peut se dire à propos de quelques palombes mitraillées à l’automne ! Nature, oui ,Victor est une vraie nature, du moins si on en croit les boniches alentour. Sa moustache grise est encore conquérante et ses petits yeux fureteurs savent repérer les petites bien tournées à la messe du dimanche.
-Victor à la messe rigolent les vieux copains de la troisième mi-temps, lui qui bouffait du curé dès le petit déjeuner !
-Bien sûr c’est la Georgette qui l’oblige ; combien qu’ils sont mariés vingt, trente ans ?
-Georgette un vrai remède contre l’amour commentent-ils à l’apéro...

- Il y en a qui " s’arrangent " en vieillissant. Pas elle. Il l’a mariée pour la ferme. Une grande propriété, des vaches, des cochons, des canards.
Georgette, élevée chez les sœurs, n’a pas sombré, jeune, dans le pêché de coquetterie. Maintenant son âge canonique lui permet, plus que jamais, d’arborer quadrillage de rides et chignon gras…
Ils dorment, c’est la coutume, dans la chambre de feu les parents des parents des parents de Georgette. Le lit d’époque, massif comme un char d’assaut, est surmonté, cloué au mur, d’un crucifix grandeur nature ; enfin presque…
Ce soir de tue- cochon, vannés, ils se sont couchés tôt.
Tout à coup un hurlement.
Le crucifix est tombé sur le visage de Victor dont le nez écrasé saigne à gros bouillons ; ses yeux suppliants appellent à l’aide ; il gémit sourdement…
Georgette raide comme la justice dans sa chemise longue en pilou, debout au pied du lit :
-Sacripant, qu’est ce que tu lui as encore fait au bon Dieu ?

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